Bastien Vivès et la criminalisation du fantasme.

Carte blanche – Le Soir – 15-04-24

Après avoir été « cancelé » à Angoulème, poursuivi en justice, harcelé jusqu‘à menaces de mort, voici aujourd’hui que son exposition bruxelloise devrait être censurée.

La polémique vient de bandes dessinées, « Petit Paul », notamment où un enfant exprime une sexualité débordante. La taille de son sexe, les jets de sperme et l’accueil chaleureux que lui réserve les femmes ne laisse aucun doute sur l’aspect complètement fantasque de bandes dessinées que chacun pourrait apprécier ou non, selon son goût (pas le mien…). Avant de poursuivre, précisons que la galerie belge présente des dessins qui n’ont rien à voir avec ceux qui sont l’objet de la controverse.

En France, trois associations françaises ont porté plainte contre Bastien Vivès dont elles jugent les dessins relevant de la « pédocriminalité ». Elles se basent sur la loi (similaire en Belgique) qui suit la Directive européenne du 13 décembre 2011 laquelle définit comme pédopornographie « tout matériel représentant de manière visuelle un enfant se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé (…)  » mais aussi quand la « personne qui paraît être un enfant se livre à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé (…) »

Laissons de côté les argumentations complexes relatives à la liberté d’expression, à l’outrage aux bonnes mœurs, aux difficultés de déterminer l’âge des personnages ou encore aux situations dans lesquelles les mineurs diffusent leurs propres photos ou vidéos à connotation sexuelle, relevons ici les aspects profondément contre-productifs de telles plaintes.

Confondre réalité et fiction
Quand les images pédopornographiques sont le produit d’abus réels, il est évident que ces faits doivent être punissables, en ce compris leur consommation puisque celle-ci suscite leur réalisation.
Mais la question est totalement différente quand il s’agit de fiction puisqu’aucun enfant n’y est abusé. Dès lors criminaliser BD ou mangas revient à défendre l’idée qu’ils pourraient amener à des abus réels. Voilà un pas bien dangereux à franchir tant sur le plan clinique qu’en termes de risque d’extension à d’autres crimes.

Il faut tout d’abord préciser que sur le plan clinique, le délinquant sexuel ne correspond pas à une structure spécifique, à un profil type et qu’il y a plutôt lieu de parler d’actes qui peuvent émerger dans des situations très diverses. La personnalité perverse n’a, par exemple, rien à voir avec celle d’un sujet immature. Le visionneur pédopornographique présenterait-il une spécificité, sujet à un risque d’emballement et à recherche d’une excitation croissante ou ressemble-t-il à celui qui regarde de la pornographie « banale » ? Pour ce dernier, la pornographie aurait plutôt l’effet inverse : plusieurs études font le lien entre la progression du haut débit Internet (et donc de la pornographie) et la diminution du nombre de viols.

Ceci s’inscrirait alors, dans une certaine mesure, dans le fil de la sublimation ; à l’œuvre certainement chez de nombreux artistes et partiellement chez le spectateur. Les musées, on le sait, sont depuis toujours remplis de représentation fantasmatiques vielles comme l’humanité.

Penser que la fiction comporte en elle une telle charge poussant au délit est un pas qui risque de nombreuses extensions. Quand le pédophile dit être ému par un dépliant publicitaire de Carrefour ou un album de Martine, on voit jusqu’où devrait porter l’interdiction. En bonne logique, il faudrait aussi l’étendre à la fiction littéraire car, il faut le rappeler, le mot est bien une représentation. Il faudrait enfin l’étendre à bien d’autres domaines tels les jeux vidéos, polars et autres massacres à la tronçonneuse, sous prétexte que les meurtres qui y sont mis en scène mènent au crime. Fictions dont il faudrait d’ailleurs éloigner les jeunes puisqu’ils seraient idiots au point de les prendre pour la réalité.

Aider celui qui est habité de désirs pédophiles
Le droit moderne a pu nous dégager du religieux et séparer ce qui relève de l’imaginaire et du factuel. Nous assistons dans ces débats à un symbolique pas en arrière qui nous ramène au confiteor et au péché en pensée mais pose également de sérieux problèmes cliniques, notamment la stigmatisation de celui qui est hantés par de tels désirs.
Le fait d’être animé de rêves, désirs, pensées incestuelles est courant et ceux qui ne se souviennent pas de leurs rêves n’en sont pas nécessairement inconsciemment moins habités. Néanmoins quand les idées incestueuses ou pédophiles deviennent obsédantes, empêchent une sexualité adulte, enferment dans la honte, la solitude, l’angoisse… il y a lieu d’être aidé. Or, la stigmatisation pousse à la clandestinité et n’aide justement pas ces personnes à consulter.

On ne peut que regretter toute confusion entre fiction et réalité. Tant le droit moderne que la clinique – soucieuse de la protection des enfants – doit permettre à ce que TOUT puisse être pensé, fantasmé, mais NON agi.

Le rôle des associations de protection de l’enfance
Une fois encore, il faut regretter que certaines associations construisent leur renommée sur un imaginaire d’une enfance vierge et innocente à la portée de prédateurs multiples. C’est ouvrir la porte aux fictions complotistes les plus délirantes, telles celle qui prétend que de hauts responsable américains se livrent à des orgies pédophiles dans les caves d’une pizzeria (pizza-gate).

Il faut donc rappeler que la toute grande majorité des abus sexuels d’enfants se passe dans les familles et leur entourage, c’est donc à ce niveau qu’une prévention attentionnée et non tapageuse doit être menée.

Il faut également répéter notre regret que certaines associations se fassent mousser à bon compte, évitant de se coltiner à des violences nettement plus complexes. Par exemple, les pressions pour voiler petites et jeunes filles, un féminicide, rappelle Kamel Daoud, une prison et une condamnation à mourir une vie entière, un enterrement vertical, le renoncement acclamé à son propre corps.

Vincent Magos – Ancien directeur de la Coordination de l’aide aux enfants victimes de maltraitances.

On court,
on zappe,
on est pressés...
Quand prenons-nous le temps de voir ce qui se passe en nous?

Arrêtons-nous un moment...

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