Aujourd’hui, il y aurait une demande de psy « safe », des psys qui peuvent accueillir dans leur différence des patients LGBTQI+
Bizarre…
Cette idée de « psy safe » m’apparaît complètement stupide pour au moins deux raisons:
Tout d’abord, c’est une démarche normative car elle induit l’idée qu’il faudrait une attitude prédéterminée pour accueillir tel ou tel type de personne : un gay, par exemple. Mais alors, dans le fil de cette idée, il faudrait aussi des psy spécifiques pour suivre un catho, ou un musulman… Et pourquoi pas un électeur de Marine Le Pen, ou de Mélanchon ? Un ami des chats, un obsédé des talons hauts, un fana des huiles essentielles…
On voit bien où cela nous mènerai : chaque tribu – qui dispose déjà de ses propres réseaux sociaux aux algorithmes qui l’aident à penser en rond – disposerait aussi de son carnet d’adresse de psy spécifiques.
Moi, cette idée, elle me fait suffoquer.
La seconde raison, plus importante encore, c’est qu’une psychanalyse « safe » cela n’existe pas. Au contraire même. Faire une psychanalyse – la psychanalyse que je défend -c’est profondément « unsafe », dangereux… pour ce que l’on appelle « l’ordre » social.
Faire une psychanalyse, ça fait désordre et parfois du désordre… car c’est peu à peu se déprendre de tous les désirs qui nous plombent : autant ceux de notre entourage que de la société, pour progressivement trouver le chemin de ses propres désirs.
C’est la raison pour laquelle le psychanalyste ne donne jamais de conseils, il n’a aucun désir par rapport aux choix de vie de ses patients. Son seul désir est d’accompagner ceux qui viennent le voir dans une authentique recherche de vérité. La vérité personnelle et unique du patient.
Croyez-moi, cette traversée peut s’avérer fameusement subversive et à contre courant des vents dominants. Quand je pense à ces questions, me revient toujours en mémoire mes conversations avec une collègue d’Argentine. Sous la dictature, les psychanalystes parvenaient à poursuivre leur travail lors de rencontres qui semblaient fortuites. Sur un banc public, par exemple. C’était aussi dangereux pour l’analysant que pour l’analyste. Ne nous y trompons pas les totalitarismes haïssent la psychanalyse.
Mais pour que le psychanalyste puisse accompagner son patient dans les remous de cette traversée, il est indispensable qu’il ait préalablement été questionner les modèles qui l’ont lui-même façonné, éclairer ses propres zones d’ombre. C’est pour cela qu’avant de prendre des patients en charge, il passe de nombreuses années à sa propre psychanalyse. De nombreuses années, car croyez-moi l’inconscient est bien rusé dans les mouvements vers lesquels il nous entraîne.