L’emprise inspirante

On a beaucoup parlé de l’emprise mais pas suffisamment de « l’emprise inspirante »

Judith Godrèche s’est beaucoup exprimée sur la relation de couple qu’elle a eu, quand elle avait 14 ans avec un réalisateur de 40 ans. Dans un entretien, elle évoque une « emprise inspirante » . C’était, dit-elle, « une emprise extrêmement inspirante »

En consultation, il est fréquent d’entendre quelque chose qui ressemble à l’emprise inspirante. On est sous emprise, on veut être sous emprise, on ne peut pas s’en empêcher. L’emprise peut d’ailleurs être mutuelle.

Pour prendre une histoire caricaturale : la jeune stagiaire cherche le regard de son patron, ses yeux brillent quand elle se sent désirée, quand elle a l’impression d’être la fille préférée du père. Quant à lui, il retrouve sa petite fille bien aimée qui revient se blottir dans ses bras plutôt que de sortir avec des voyous.

Bien sûr, l’histoire inverse existe elle aussi. Le jeune homme qui trouve une maman compréhensive, laquelle peut dorloter son petit garçon ou, version plus trash : se taper un réfugié aux abois.

Parfois l’histoire se transforme, mûrit, tient le coup au fil du temps, dure. Souvent, elle se casse la figure: le jeune, la jeune en a marre de rester au coin du feu, trouve que les fesses de son partenaires sont vraiment trop molles, que son haleine manque de fraîcheur, découvre qu’il y a bien d’autres préféré.es dans sa vie.

L’emprise n’est du coup plus inspirante du tout. Seuls restent les yeux pour pleurer, quelques photos, des textos, voire une tache de sperme sur une robe bleue.

L’un ou l’autre se sentira trahi, berné, abandonné, seul avec sa tristesse ou accusateur envers ce salaud, cette salope. Ou, selon la culture du moment : cette représentante de la gente tentatrice, cette figure du patriarcat.

S’il a quelque bon sens, l’entourage ou le juge aura vite fait de classer l’affaire. Vous étiez quand même consentant.e n’est ce pas ?

Et revient alors toute la question de savoir jusqu’à quel point on est consentant quand on est sous emprise inspirante. Tôt ou tard, il faut bien se débrouiller avec son inconscient qui nous entraîne parfois dans des chemins que l’on aurait mieux fait d’éviter.

Dire « j’étais sous emprise inspirante », c’est un peu dire : Ça c’est passé à l’insu de mon plein gré.

Mais revenons à Judith Godrèche. Elle était mineure, et cela fait toute la différence ! Les adultes autour d’elle ne l’on pas protégée. Que ce soit son compagnon – largement conscient de l’interdit, ou ses parents – qui l’ont d’ailleurs émancipée – ou l’entourage, séduit lui aussi, ou encore la justice.

L’avocat du diable dira : A cette époque là, tout le monde trouvait cela normal et l’on faisait d’ailleurs semblant de prendre les photos de David Hamilton pour de l’art et non un support masturbatoire.

A posteriori, il est clair pour tout le monde que quelqu’un aurait du dire : Judith, ça suffit ! Va dans ta chambre et on en reparlera quand tu seras majeure. Qu’un père aurait pu dire au mec : si tu continues, je porte plainte ou te casse la gueule. Oups, trop patriarcat, je recommence : on aurait pu attendre qu’une mère dise au type : si tu touches ma fille, je t’arrache les couilles.

Rien de cela ne s’est passé et c’était dans l’air du temps. Chaque époque a ses aveuglements dont se scandalise la génération suivante.

Mais quels seraient alors les aveuglements d’aujourd’hui ?

A ce propos, j’ai juste un petit étonnement.

Tout le monde estime qu’il faut mettre un halte à l’emprise inspirante d’un.e adolescent.e et ceux qui crient le plus au scandale trouvent normal qu’un jeune puisse décider de son genre jusqu’à des traitements médicaux ou chirurgicaux qui le marqueront à vie.

Je vous fiche mon billet qu’une part d’entre eux dira un jour : j’étais sous emprise inspirante. Et ils auront raison de nous le reprocher.

On court,
on zappe,
on est pressés...
Quand prenons-nous le temps de voir ce qui se passe en nous?

Arrêtons-nous un moment...

Quelques psys à éviter: # 10 Les théoriciens

Vous êtes passionné de comprendre ! Bravo, vous serez éblouis par les théoriciens. Ils vous entraîneront au firmament de leurs théories. Alors que vous pensiez tout savoir de l’œdipe, vous découvrez avec délice qu’il ne s’agit là que d’un ba-ba aussi trivial que les...

Quelques psys à éviter: #4 Les diplômés

Ses stages (comme sa vie) se sont déroulés sans heurts, il a obtenu son diplôme avec distinction, s’apprête à suivre (oui, peut-être) l’une ou l’autre formation complémentaire (courte, si possible). Et voilà, il est psychothérapeute ! La plaque est fixée à sa porte,...

Quelques psys à éviter: #5 Les séducteurs

Ils sont parfois profs, donnent des conférences ou séminaires. Que leur cabinet soit orthodoxes ou qu’ils organisent un stage dans le désert, qu’ils parlent ou se taisent, ils aiment à plaire mais surtout, plus prosaïquement, à s’approvisionner en chair fraîche. Mieux...

Quelques psys à éviter: # 6 Les brefs

La fulgurance de son intelligence lui permet de mener des séances de cinq minutes. Grâce à sa perspicacité, il peut scander le discours et renvoyer la fin de la phrase au prochain rendez-vous. D’ici là, le patient pourra réfléchir au pourquoi il a été coupé,...

Quelques psys à éviter: # 7 Les gourous

Ils ont une petite cour qui boit leurs paroles et les cite religieusement. Leurs textes sont la bible ; leurs disciples sont dispensés de lire d’autres auteurs (si ce n’est revisités par le maître). Toutes ces thérapies trop classiques, trop orthodoxes ne sont plus de...

Quelques psys à éviter: # 9 Les entraîneurs

C’est décidé ! Vous en avez pris la résolution, vous allez changer ! Le découragement pointe le bout de son nez ? Debout ! Les idées noires rodent ? Du balai ! La dépression ? C’est pour les faibles ! Il suffit de PO-SI-TI-VER ! De s’orienter vers une...

Quelques psys à éviter: #3 Les prescripteurs

Pourquoi se donner tant de peine à tenter d’être heureux alors que nous ne parviendrons jamais qu’à un petit malheur ordinaire ? Pourquoi aller raconter sa vie dans d’interminables psychothérapies alors que tout cela est génétique et qu’une petite pilule peut vous...

Quelques psys à éviter: #1 Les consolateurs

Leur vocation est de venir en aide aux âmes en peine. Leur empathie est immense et leur cœur saignera avec le vôtre. Depuis toujours ils sont à l’écoute des autres et les comprennent si bien. C’est d’ailleurs parce que dès leur plus jeune âge, leur entourage leur...

Quelques psys à éviter: #2 Les muets

La vie psychique est affaire de pureté et quoi de plus pur qu’un silence total pour que se développent fantasmes et rêves et pour qu’émerge le Désir. Telle est la règle que se donne ce praticien aux lèvres bouclées à double tour. Reproduit-il ce qu’il a vécu lui-même...

Pin It on Pinterest

Share This