Une petite fessée aux bien-pensants

Paru dans La Libre le 29-11-2023

Depuis des années, un certain lobby de la « bientraitance » s’agite autour de la question des châtiments corporels vis à vis des enfants. Dernier épisode : une ONG veut assigner la Belgique pour défaut de législation.

Il faut rappeler à quel point cette bêtise mérite une petite fessée.

Actuellement, dans nos sociétés occidentales, tout le monde est d’accord pour considérer que les châtiments corporels ne sont pas une bonne solution pour aider un enfant à grandir et qu’ils ont même des effets contre-productifs. Néanmoins, créer une nouvelle loi n’a pas de sens pour plusieurs raisons.

La loi interdit déjà le recours à la violence ainsi que les coups et blessures. De plus, la circonstance est aggravante quand il s’agit de violence à l’égard des mineurs. Il n’y a donc pas lieu de rajouter une législation ; trop de loi nuit à la loi.

Une nouvelle législation (inutile) revient à se focaliser sur l’acte et non sur l’intention. De nombreux châtiments humiliants sont nettement plus blessants qu’une fessée occasionnelle. L’important est de sensibiliser les parents au fait que l’enfant apprendra à se protéger et à se faire respecter s’il est respecté dans sa famille (ceci ne supprime pas la nécessité de mettre des limites).

Il y a lieu de différencier les situations : il peut arriver qu’un parent débordé ne parvienne pas à limiter autrement son enfant que par un geste, une fessée par exemple. Ce geste, s’il est occasionnel, n’est pas synonyme de maltraitance ou de rupture de la relation entre l’adulte et l’enfant. Il est préférable d’aider le parent à comprendre en quoi il a été dépassé, comment il peut dire « J’aurais pas dû » sans perdre la face.

Vouloir légiférer plus que de raison, c’est introduire la loi encore et encore, c’est brandir la force publique en père fouettard, menacer le parent d’un châtiment alors que le soutien à la parentalité doit être l’axe de base de toute politique en la matière. Soutenu, le parent pourra à son tour soutenir son enfant.

De guerre lasse, la Belgique, comme d’autres pays, finira par ajouter quelques lignes de code à un arsenal juridique déjà pléthorique (Bah, ça ne mange pas de pain). De leur côté, les associations concernées continueront de se faire mousser à bon compte, évitant des se coltiner à des violences nettement plus complexe. Par exemple, les pressions pour voiler petites et jeunes filles, un féminicide, rappelle Kamel Daoud, une prison et une condamnation à mourir une vie entière, un enterrement vertical, le renoncement acclamé à son propre corps.

Vincent Magos

Ancien directeur de la Coordination de l’aide aux enfants victimes de maltraitances.

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Ci-dessous, une petite illustration (vieille de plus de dix ans) qui a une longue histoire.

 

Vivalia et l’euthanasie du secret médical

Vivalia et l’euthanasie du secret médical

Carte blanche – Publiée initialement dans Le Soir

La cyberattaque du groupe hospitalier Vivalia rappelle au grand public à quel point ce qui est dans un réseau informatique est en réalité à l’air libre. Déjà en 2017, nous étions alertés par le fait que des hôpitaux vendaient des données médicales à des firmes commerciales. Il nous fut répondu que ces données étaient anonymisées. Depuis lors les chercheurs ont pu montrer que l’anonymisation des données était un leurre. En France, la concentration des données médicales au sein d’Azure-Microsoft a provoqué un tollé et une remise en question de cette concentration. Aux USA, via son projet Nightingale, Google récolte déjà les données de quantité de patients ; Amazon ou Apple ont des programmes similaires.
Je n’ai pas d’objection à ce que mon groupe sanguin soit public ni les radios de mon bras cassé. Mais qu’en est-il de ma séropositivité VIH ? De l’IVG pratiquée à l’insu de mes parents ? De la tentative de suicide lors de mon adolescence ? De la dépression survenue quand j’ai perdu mon boulot… Toutes données bientôt à l’air libre elles aussi.
Car oui, que Vivalia paye ou non la rançon… peu importe, les données sont dans la nature. Qu’il s’agisse de hackers ou de business, d’un groupe hospitalier ou d’un autre… peu importe, tôt ou tard les données sont à la disposition d’un employeur, d’un assureur…

Un marché de 200 milliards d’euros
Au plan international, 4.000 courtiers en données (datas broker) s’affairent sur un marché évalué à 200 milliards d’euros. Données qui relèvent notamment de notre intimité, de notre santé mentale.
Dans la série « En thérapie », le Docteur Dayan, indique qu’il ne prend pas de notes. Et c’est effectivement ainsi que beaucoup de psychothérapeutes procèdent, et ce pour deux raisons.
D’une part, la mémoire nécessaire à notre travail n’est pas séquentielle ni même organisée mais bien « flottante », et un élément particulier reviendra à point nommé au détour d’un souvenir. C’est bien une des choses que l’on apprend au cours de notre (longue) formation : écouter de manière très particulière avec un cerveau qui n’a rien d’un disque dur.
La seconde raison réside dans une règle très simple, condition de possibilité de notre travail : « Tout ce qui se dit ici reste ici ».
S’il nous arrive donc de prendre note, ce sera tout au plus sur du papier avec un crayon et d’une écriture suffisamment indéchiffrable pour que le propos reste secret.

Des pressions multiples
Mais les choses changent et les pressions se font multiples pour que les psys passent eux aussi aux dossiers informatisés.
Ainsi par exemple, le Ministre de la Santé déclarait dans Le Soir du 15 février qu’« Il est en effet demandé aux psychologues cliniciens de partager un rapport avec le médecin généraliste du patient. » « Pour nous, ajoute-t-il, cette condition était absolument évidente et essentielle. C’est ce qu’il se passe dans les soins de santé somatique. Le patient est indivisible ; les aspects ayant trait à la santé mentale et somatique sont intimement connectés. ». C’est hélas, surtout les donnés qui sont très « intimement connectées »…
Voilà pourquoi j’invite mes collègues à entrer en résistance et à se refuser à toute informatisation de ce qui relève du domaine de la santé mentale. Personne n’a même besoin de savoir que Monsieur Dupont est un jour venu me voir.
Voilà aussi pourquoi la gestion des données personnelles en matière de santé doit faire l’objet d’un débat nettement plus public et éclairé qu’il ne l’est actuellement.

Vincent Magos, Psychanalyste – Dernier ouvrage : Résister à l’algocratie, Ed Fabert, mars 2022.

Résister à l’algocratie

Résister à l’algocratie

Mon petit livre, « Résister à l’algocratie », initialement édité par Yapaka, est maintenant repris par les Editions Fabert et donc disponible en librairie dans toutes les librairies francophones (France, Suisse, Belgique,…)  au modeste prix de 4.95€.

Argument : Après une extension des procédures, nous sommes aujourd’hui face aux algorithmes dont la puissance et l’autonomie va jusqu’à prendre des décisions sans intervention humaine ; c’est ce que l’on peut dénommer « l’algocratie ». Si la technique au service de l’humain est à valoriser, en considérer les dérives et les usages qui nous échappent s’impose prioritairement dans les métiers du soin et de l’éducation. Pour tous, les effets sont multiples dans les domaines de l’intimité, de la surveillance, de la capacité de juger, de l’effacement du tiers, des modifications relationnelles, du gommage de l’inconscient. Dans nos métiers, les algorithmes viennent modeler les pratiques professionnelles, les institutions et les modes de management sans compter ce qui a trait à la confidentialité.

Seule une approche pluridisciplinaire (droit, philosophie, sociologie, psychologie…) permet d’en saisir les enjeux et de réfléchir aux modes de résistances à lui opposer afin de maintenir l’humain, le vivant au cœur de nos sociétés, de nos pratiques.

Et chu-ut, une version Epub gratuite reste disponible ici

Prochaine conférence: Sérignan, le 3 juin 2022 (31e rencontres nationales de périnatalité et parentalité – Béziers-Périnatalité)

Pour déconfiner la psychanalyse

Bruxelles, le 23 mai 2020 – Lettre ouverte à mes collègues

Peut-être la crise du coronavirus vient-elle avec plus de vigueur encore interpeller les pratiquants de la psychanalyse. Pourtant, depuis le Livre noir, il y en eu des interpellations.

Au delà d’y percevoir la seule mauvaise foi, quelques collègues y ont bien repéré un symptôme à penser et nous ont apostrophé : « Psychanalystes qu’avons-nous fait de la psychanalyse ? » (Merci A. Millet). Ce fut jugé « intéressant », fit l’objet de quelques colloques avant que chacun retourne à son cabinet. Dommage.

Nous avons continué de privilégier la cure ou ce qui lui ressemblait le plus, dans le confort de nos cabinets et ailleurs, remettant à plus tard de penser l’articulation entre clinique et citoyenneté. Pourtant, intégrer le cri de Winnicott « Un bébé ça n’existe pas ! », c’est soutenir aujourd’hui qu’un humain n’existe pas sans son environnement. D’autant que, maintenant, nous avons également intégré qu’il n’est point de frontière étanche entre réalité et réalité psychique. Et nous savons aussi à quel point le travail groupal ou communautaire, si pas politique, s’avère parfois plus soignant.

Freud, Lacan et les autres ne nous ont pas transmis une bible dont il faudrait éternellement faire l’exégèse, mais plutôt un mouvement dans une époque. Presque celui du « premier reptile qui a traîné son ventre hors de l’eau pour aller vivre sur la terre, sans poumons, et qui a quand même essayé de respirer, il était fou, lui aussi. N’empêche que ça a fini par faire des hommes. » (R. Gary).

Alors, comment faire pour retrouver ce mouvement ? Cet arrachement originaire.

Aujourd’hui la crise du coronavirus nous met au pied du mur. Allons-nous – éternellement plombés par la métaphore de l’or et du cuivre – nous contenter de proposer des entretiens individuels aux infirmières qui craquent, aux petits commerçants au bord du suicide ou aux livreurs qui chutent de leur vélo,… ? Nous savons qu’être psychanalyste ne peut se limiter à faire des cures, mais se doit de réfléchir à ce qui pourrait être le plus opérant grâce à la prise en compte de l’inconscient. Parfois un divan s’avère nécessaire, pas toujours.

De nombreuses personnes sont décédées en maison de repos, autant de familles n’ont pu rendre un dernier hommage à leurs morts,… Certes, nous ne mettrons pas la focale sur les sentiments d’abandons de leur enfance ; nous savons que le traumatisme existe et qu’ici il dépasse le registre individuel. Au travers de ces proches endeuillés, des soignants rendus impuissants… c’est tout un corps social qui est traumatisé. Que faire alors pour en prendre soin ? Comment inventer des dispositifs de groupes ou soutenir des rituels sociaux, comme le suggère notamment D. Di Cesare (Consacrons une journée à un rite public pour commémorer les victimes du coronavirus) ?

La question n’est pas d’inventer rituels ou dispositifs du haut de notre savoir mais bien d’écouter, soutenir et contribuer à ce qui émerge. Á Bruxelles, les professionnels de la santé ont dressé une haie de déshonneur, tournant le dos à la première ministre venue les visiter. Ce type de geste collectif n’est-il pas d’or pour soigner les équipes ? Face aux traumatismes sociaux, nous aurons toujours à aller chercher leçon auprès des folles de la place de Mai.

Tout était déjà en place il y a six mois, le coronavirus n’est rien d’autre qu’une loupe sur les inégalités sociales, le capitalisme débridé, l’environnement saccagé,… et la psychanalyse trop souvent confinée.
Comme tout un chacun , nous sommes aux prises du même virus et une part de nous aspire à retourner au monde d’avant. Mais peut-il encore exister ? Était-il souhaitable ? N’étions nous pas déjà, nous aussi, dans une forme de déni ? Comment ne pas y retomber ? Nos institutions auront-elles la capacité de se réinventer et de soutenir, si pas susciter, ces questions ?

D’avance je remercie mes collègues qui prendront la peine de me répondre, quand bien même la réponse serait divergente. L’heure n’est pas aux berceuses.

[Merci au relais donné à ce texte par Heitor O’Dwyer de Macedo sur Mediapart]

En démocratie, le citoyen est adulte.

[Parution originale dans Le Soir – 11/05/202r]

Le coronavirus arrive à un moment de défiance majeure du citoyen envers le politique. A ne pas y remédier, la situation ne peut qu’empirer. Tant pour la démocratie que pour la pandémie.

Nous allons nous déconfiner dans un climat de grande confusion où l’on espère que pour éviter toute recrudescence le citoyen suivra les consignes. Lesquelles ? Bonne chance pour s’y retrouver. Pourquoi ? Parce que !

Une pandémie, comme celle à laquelle nous devons faire face, vient rappeler avec force que pour être vivante une démocratie doit reposer sur le trio Explication, Adhésion et Participation.

C’est l’explication de la situation qui permet l’adhésion du public, cela implique tout d’abord de donner l’information, de la rendre accessible. Nous avons une occasion extraordinaire de comprendre ensemble l’organisation des soins de santé, l’épidémiologie, la nécessité de faire des choix… Les conférences de presse de 11h étaient une excellente idée pour autant qu’elles ne se limitent pas à l’énumération de chiffres accompagnés de sympathiques injonctions. Que les rapports du GEES ne soient ni rendus publics ni expliqués est incompréhensible. La chaîne de service au public et les autres médias sont tout à fait à même de mener le travail pédagogique que cela nécessite. Et permettre que se poursuivent les débats sous d’autres formes.
L’arrêté royal qui organise le tracing est bâclé, n’est pas rassurant en termes de vie privée, n’a donné lieu à aucun avis du Conseil d’État, ni aucune discussion à la Chambre. Il y a urgence ? On est d’accord. Mais il est parfaitement possible d’intégrer dans un texte provisoire le fait qu’il va être discuté et donner lieu à une autre version. Il n’y a pas la moindre raison de confiner le parlementarisme.
Le contact tracing va-t-il fonctionner ? Il y a des craintes à avoir si l’on oublie que la confiance est un processus mutuel.
On voit que la participation est bien au rendez-vous dans les initiatives citoyennes : les petits services entre voisins, les masques bien sûr, la créativité des fablab ou encore la circulation des articles scientifiques… Que cette créativité permette, par exemple, la réalisation d’un respirateur artificiel à moins de 1.000€ pose d’ailleurs la question des brevets versus licences open-source. En d’autres mots : ce qui doit nous rester en commun et ce que l’on peut privatiser.
Mais sans support la participation peine à se déployer. Susciter la participation du public, c’est éviter la position passive et encourager les citoyens à prendre un rôle actif, ce qui – on le sait – renforce l’immunité. Comment ? Entre l’appel des 123 chercheurs en sciences humaines, celui d’Extinction Rebellion et la proposition de Paul Magnette de remplacer le Sénat par une assemblée citoyenne, on voit circuler un levain qui ne demande qu’à faire monter la bonne pâte, la « décence ordinaire », chère à Orwell.
L’incertitude qui fait partie de la vie se voit exacerbée dans la situation de crise actuelle et, face à l’angoisse, l’on voit flamber tous les mécanismes de défense habituels. Si le gouvernement n’évoque pas l’incertitude, n’explique pas les options en présence et les raisons de ses choix – doutes compris, s’il ne suscite pas à cette occasion l’émergence d’initiatives participatives comme celle du G.1000 de David Van Reybrouck… Alors, il provoque le maintien du public dans une position infantile. Et les uns de rêver à un État (sur)protecteur et autres héros sauveurs pour vite retourner à la situation d’avant : l’insouciance naïve d’une cour de récréation. Et les autres de gronder d’une colère que l’on appelle aveugle quand la force qu’elle contient ne peut construire.
Là, c’est la démocratie que nous laisserions le virus attaquer.

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Vincent Magos est psychanalyste. Par le passé, il a créé et dirigé de nombreux programmes de prévention dans les domaines de la promotion de la santé, du sida, de la prévention de la maltraitance… Il a récemment donné une conférence en ligne Covid-19 : du confinement au tracing

Pour une psychanalyse hors champs stérile

(Exposé pour le 50ième anniversaire de l’École belge de psychanalyse – Mai 2015)

L’École belge de psychanalyse a 50 ans. A cet âge là, si l’on est pas tombé dans la bigoterie, il y a quelque chance que l’on soit à même d’avoir pu dissoudre le transfert vis à vis de ses maîtres. Dissoudre, c’est à dire s’être départi de ses aveuglements transférentiels pour en conserver la mise au travail.

J’aimerais réfléchir avec vous à deux aveuglements

  • Seule la réalité psychique importe-t-elle ?
  • Le nec plus ultra du psychanalyste serait-il de ne faire que des cures ?
  1. Le cuivre et l’or ?

Pouvons-nous, en tant qu’analyste nous contenter d’une position aseptisée et considérer la vie psychique comme pur objet de notre travail. D’autant plus pur qu’il serait possible d’isoler cette réalité psychique ? Les propos de nos patients ne sont liées qu’à l’infantile ? Tout n’est que répétition ?

En fait, c’est comme si certains, de peur de retourner à la préhistoire de la psychanalyse, la neurotica freudienne, espéraient un sujet, comme isolé sur un champ stérile.

Vous le savez… il n’est pas toujours bien vu de se préoccuper de la réalité qui environne ceux qui viennent nous voir et encore moins de ceux qui ne viennent PAS nous voir. On nous a tellement rabâché les oreilles avec cette histoire de l’or et du cuivre que l’idéal de pureté peut apparaître comme un Graal, nous laissant oublier à quel point la recherche de pureté est remplie de dangers.

  1. Le travail de culture face à l’hypermodernité

Pourtant Freud introduit, dès 19081, la notion de « travail de culture » . Il reviendra plusieurs fois sur le « renoncement aux satisfactions pulsionnelles » censées garantir l’existence de la civilisation.(…) Droits et devoirs protègent l’individu en société contre la violence et la « compétition sans frein ».

Droits et devoirs – pour autant qu’ils soient un minimum partagés… – constituent ce que l’on pourrait appeler le cadre des formations métapsychiques qui constituent l’étayage des formations intrapsychiques. Pour le dire autrement, les motions pulsionnelles qui ne peuvent s’exprimer librement se subliment dans la culture – nous pouvons entendre le travail comme un des registres de la culture.

Freud2 précise que l’évolution de la civilisation vise à empêcher l’arbitraire d’une caste au profit d’un intérêt de regroupement plus vaste. Le règne du plus fort s’efface, au profit de l’union de plusieurs faiblesses. La violence est brisée par cette réunion. « Un chemin a conduit de la violence au droit.  »

De la violence au droit… ? Avec l’hypermodernité, nos sociétés occidentales sont pourtant en difficulté.

Après la modernité et la postmodernité qui débute à la fin de la seconde guerre mondiale, les auteurs sont coutumier de considérer que l’hypermodernité émerge à la fin des années 80 : la chute du mur de Berlin en constitue une borne.

Le règne de l’hyper se décline à l’infini : hyper activité, hyper-stimulation, hyper-communication, hyper-consommation… Mais aussi hyper trading. Notons que les années 80 marquent le début de la dérégulation financière initiée par Reagan et Thatcher. Nous en voyons les effets aujourd’hui : accroissement des écarts salariaux, forte augmentation des recours à l’aide sociale, si pas aux « bons alimentaires »

  • Si avant 1980, les grands patrons gagnent, en occident, environ 39 fois le salaire moyen; la situation change depuis la dérégulation puisque maintenant, ils gagnent plus de 1.000 fois le salaire moyen3.Au siècle des Lumières, les écarts des richesses entre les peuples du monde allaient du simple au double. Aujourd’hui, le rapport est de 1 à 428 (Zimbabwe et Qatar)4
  • En 2009, aux États-Unis, plus 50 millions de personnes, étaient en état d’« insécurité alimentaire » soit le double du chiffre de 1999)5.
    En Belgique, (février 2012) Le nombre de personnes faisant appel à l’aide alimentaire atteint des records en Belgique, avec 117 440 personnes dépendant de ce type de soutien, environ 3.000 de plus qu’un an plus tôt.6

La précarité… Nous y reviendrons.

Freud indique donc que la souffrance psychique n’est pas seulement d’origine interne mais qu’elle a une origine sociale, dans la culture, qu’elle « résulte de relations humaine »7 Cela a amené durant l’entre deux guerres à la création de dispensaires psychanalytiques8.

L’histoire de la psychanalyse s’égrène d’analystes qui pensent les articulations entre réalité sociale et psychique. Dans la tradition francophone nous avons notamment Castoriadis, Gérard Mendel, Christophe Dejours, Miguel Benassayag… ou encore René Kaës et ses collègues.

  1. Les interactions vie sociale-vie psychique

René Kaës a consacré un part importante de son œuvre à développer l’hypothèse « qu’il existe plusieurs espaces de réalité psychique, que ces espaces ont leur formation et leurs processus propres, qu’ils sont articulés, qu’ils communiquent et qu’ils interfèrent entre eux »9

Pour Kaes, on peut distinguer des espaces intrapsychiques (ceux du sujet singulier), interpsychiques et transpsychiques (ceux des « configurations de lien ») mais aussi des espaces plus larges qui se construisent « dans la société et ses institutions, dans la culture et la religion, dans les grands récits collectifs : mythes, idéologies, utopies »10.

« Chaque espace est soutenu et travaillé par celui ou ceux qui l’encadrent, le contiennent et l’étayent à un niveau logique supérieur »11

Kaës parle des formations métapsychique et méta sociales qui assurent des fonctions d’étayage et de soutien, de garant et de cadre12. Or, aujourd’hui, ce sont bien ces fonctions qui sont mises à mal et « la disjonction entre l’individu et la communauté et le sociétal entraîne paradoxalement des formes de la participation sociale et de liens sociaux typiques : consommatoires, fluides, instables, ce sont des conglomérats transitoires, ou des réseaux de communication, qui n’accordent pas une place de sujet dans un ensemble : ni comme sujet social, ni comme sujet politique, ni comme acteur économique, ni comme sujet psychique.13 (…)

Faisons un détour par Bion. Dans sa conception de l’appareil à penser, le nouveau-né se trouve en prise avec des éléments bêtas , sensations brutes, vécus persécutoires, dépressifs, des émotions qu’il ne peut intégrer sans la présence de sa mère – de l’environnement, dirait Winnicott – qui va prêter à l’enfant son appareil à penser et traduire – symboliser donc – ces « vivances émotionnelles » non représentables pour le bébé. C’est ce que Bion appelle éléments alpha.

Kaës suggère que l’hypermodernité dans laquelle nous sommes pour le moment et la mise à mal des garants métapsychique entraîne une « désintégration (qui) libère des éléments psychiques (et) attaquent le travail de culture : des éléments bêtas à l’échelle de l’humanité14 »

Ou pour le dire autrement : Lorsque le pacte fondé sur les interdits fondamentaux et le contrat de renoncement à la réalisation directe des buts pulsionnels font défaut, ce sont les dispositifs de transformation des pulsions qui sont défaillants15

  1. Mise à mal de l’espace métapsychique et ses effets

L’interdit de tuer est par exemple mis à mal aux USA où chaque mardi, Barack Obama préside à la Maison Blanche une réunion où est arrêtée la liste des terroristes à « éliminer » via les drones. On peut s’étonner qu' »Un président juriste sélectionne personnellement les personnes qui doivent être assassinées, quelles qu’elles soient, où qu’elles soient (…), indifférent à la loi internationale, à la souveraineté des nations (…), à toute procédure légale, à la Constitution des États-Unis et à la morale commune. »16

Mais c’est également le cadre social protecteur qui se voit mis à mal. Ceux qui ont lu La stratégie du choc de Naomi Klein peuvent faire le lien entre la manière dont le monde des affaires utilise les catastrophes politiques (Pinochet) ou naturelles (l’ouragan Katrina) et ce que nous nommons attaque du pare-excitation. La Grèce de ces dernières années est un exemple à notre porte :

Dans son blog en français (Greek Crisis), Panagiotis Grigoriou, anthropologue et historien, chronique l’actualité grecque un peu à la manière de Klemperer. Il pense17 que de nombreux citoyens des pays tels la France ou la Belgique « n’ont sans doute pas réalisé qu’ils traversent pour l’instant leur 1938 (et ses illusions), tandis que nous [grecs], et peut-être bien les Espagnols, les Italiens ou les Portugais, nous subissons l’hiver déjà terrible de 1942. »

La Troïka a détruit le cadre de l’organisation démocratique, c’est à dire l’établissement législatif mais aussi ce qui en découle : l’organisation du travail…

et « la suppression de fait des syndicats, étant donné que le mémorandum III, abroge tout cadre institué et instituant, c’est-à-dire, permettant les négociations collectives. Désormais, c’est au sein de chaque entreprise et au cas par cas, que les patrons négocieront, c’est-à-dire imposeront leur seul point de vue. . 18

celle de la justice…

La police ne viendra pas : pas les moyens [Grèce – Aout 2012]

Un soir à Kalamata, une Grecque aperçoit un homme de couleur dans son jardin. Inquiète, elle téléphone à la police. La réponse de la maréchaussée est rapide, et très claire : non, la police n’enverra aucun de ses officiers sur place, cependant, la dame peut appeler Aube dorée, qui viendra faire le nécessaire.

Serviable, le policier à l’autre bout du fil donne à la dame le numéro de téléphone à composer pour obtenir l’assistance des milices du parti néonazi. Choquée, la femme raccroche et se refuse à obtempérer.

Elle attend.

Toujours inquiète, elle finit par retéléphoner à la police. Même réaction : qu’elle appelle donc Aube dorée, et son problème sera réglé. Non, la police n’interviendra pas, elle n’en a pas les moyens. A nouveau, la femme raccroche. Il n’est pas question pour elle de demander aux néonazis de venir.

Pourtant, quelques minutes plus tard, les milices d’Aube dorée déboulent. Il n’y a plus personne dans le jardin de la femme. Mais, à quelques dizaines de mètres de là, se trouve une maison occupée par un Pakistanais. En quelques minutes, les gorilles en uniformes paramilitaires l’encerclent. Puis ils y foutent le feu.

Fin de l’histoire.19

… ou du système de soin de santé20  au point qu’aujourd’hui 47% des Grecs n’ont plus accès à des soins adéquats : soit qu’ils n’existent plus, soit qu’ils ne peuvent les payer, soit que les multinationales ne livrent plus la Grèce en raison de factures impayées – on parle de traitements anticancéreux, pas de vitamines.

En ce 3 novembre [2012], le laboratoire allemand Merck « a fait savoir par son directeur financier, Matthias Zachert, qu’il avait cessé de livrer l’anticancéreux Erbitux aux hôpitaux publics grecs en raison de factures impayées »21

« A Evangelismos j’ai vu 50 patients psychiatriques empilés dans une salle de 25 lits, partageant deux toilettes et une seule infirmière en psychiatrie. Des patients psychiatriques d’âges et de sexes différents étaient allongés, amorphes, sur des brancards sur les deux côtés d’un long couloir. Au bout de ce couloir, j’en ai vu un autre aménagé de manière analogue. Ces brancards étroits et inconfortables, serrés les uns contre les autres, étaient le seul espace personnel des patients. Les infirmières et les médecins m’ont dit qu’il était impossible de faire un travail thérapeutique dans de telles conditions. » (Louise Irvine)

Nous pouvons penser en terme de précarité ou, pour reprendre un notre vocabulaire, nous référer à l’état de désaide, la détresse psychique du nourrisson, la forme prototypique22 de la souffrance, qui revient dans ces situations de précarité, de déliaison sociale et psychique.

Dans cet état de désaide, décrit par Freud, la souffrance apparaît comme diffuse et peu maîtrisable par le sujet. Freud précise que cette angoisse primitive ne peut devenir un signal pour le moi. Dite « automatique », elle se développera chaque fois que le sujet se trouve dans une situation traumatique, c’est-à-dire dans une situation d’effraction du pare-excitation par de trop grandes quantités d’énergie.23

Si l’on regarde la Grèce, quel est le réel du Désaide ?

Forte augmentation du nombre d’avortements, accroissement de nouveau-nés abandonnés à l’hôpital, augmentation dramatique des mort in utero (21%) et de la mortalité infantile (40%). Explosion des maladies nosocomiales, doublement des cas de tuberculose, réémergence de la malaria qui avait disparu depuis 40 ans et… une multiplication par 700 des infections HIV !.24

Avant le début de la crise financière, la Grèce avait le taux de suicide le plus bas d’Europe25, il a augmenté de 45 %

Dimitris Christoulas, âgé de 77 ans, s’est tué par balle sur la place Syntagma devant le parlement en avril. Il a laissé une note de suicide accusant le gouvernement de réduire sa pension à presque rien. « Je ne vois pas d’autre solution que cette fin digne, afin de ne pas me retrouver à fouiller dans les poubelles pour survivre », expliquait M. Christoulas.26

J’ai pris pour réfléchir ici les travaux de Kaës et des exemples liés à l’organisation sociale, j’aurais pu tenir des propos similaires sur base des travaux relatifs à la souffrance au travail tels qu’ils sont menés depuis des années par Christophe Dejours27, il y est d’ailleurs également question de suicides.

On retiendra de tout ceci que ce dont il est question, est loin des problématique œdipiennes. Certes, l’analyse ne traite pas que des questions œdipiennes et une cure peut difficilement faire l’impasse à ce qu’une partie du voyage soit consacré aux régions les plus archaïques. Néanmoins, il me semble que les personnes qui sont le plus sujettes aux éléments bêtas en provenance de l’environnement ne sont pas celles qui feront le plus aisément une demande, une demande d’analyse, ni même que ce dispositif ne leur soit particulièrement adéquat.

[Je n’ai pas le temps d’aborder aujourd’hui, la manière dont la prise en compte de la réalité va modifier notre écoute – en ce compris des rêves tout en restant, je le crois, psychanalytique. ]

Mais nous y viendrons plus tard ; voyons tout d’abord – rapidement – si la prise en compte de la réalité modifie notre écoute analytique.

  1. Un chou dans un frigidaire

Un article de 1982 est resté comme un point d’interrogation vrillé dans ma mémoire. C’est l’histoire d’un chou dans un frigidaire. L’histoire se déroule dans un pays d’Amérique latine sous dictature. Un analysant évoque un rêve et ensuite des associations qui bien que relevant du registre œdipien sont entendues autrement par l’analyste, laquelle après bien des hésitations fit une interprétation qui laissait entendre qu’il y avait peut-être bien quelque chose de dangereux dans le chou bien réel, reçu d’un oncle et déposé dans son réfrigérateur.

« Le lendemain, M. R… arriva ravi. Grâce à moi, il avait échappé à la prison. Hier, tout de suite après la séance, il courut chez lui, chercha le chou et constata qu’il contenait des microfilms, qu’il brûla sans les lire. A la tombée de la nuit, la police vint faire une perquisition chez lui, qui commença par le réfrigérateur. N’ayant rien trouvé, elle repartit.

L’analyse avait sombré dans cet épisode, envahie par cette étrange réalité. Neutralité et abstinence rompues, j’étais bonne « réellement » pour le patient, qui me devait la liberté et peut-être la vie. Le don reçu était trop important pour pouvoir être jamais élaboré dans le transfert et dans le contre-transfert. J’incarnais « vraiment » son Idéal du Moi. Il vivait avec moi en état de fusion narcissique avec cet Idéal tout-puissant. Cette cure avait « réalisé » la régression narcissique de M. R… et la projection de son Idéal du Moi sur moi, coordonnées de toute situation analytique. Mais ceci s’était donné dans la réalité, qui ainsi se confondait avec l’illusion, ma toute-puissance devenant effective. La situation était bloquée. L’analyse ne pouvait continuer. C’est ce que je communiquai à M. R… quelques jours après. »28

A l’époque, la lecture de cet article m’a affecté et je me suis dit que je n’avais pas envie de devenir analyste à ce prix là. Ou du moins pas ce type d’analyste. Je ne pense pas que neutralité et abstinence soient au-dessus de tout, c’est confondre – chez l’analyste – idéal du moi et surmoi. A titre d’exemple, il m’est à plusieurs reprise arrivé de prendre positions dans des moments où un patient était dans la confusion, pour indiquer, par exemple, qu’il y avait eu abus. En effet, rester dans le silence aurait reproduit à l’identique une situation où les adultes n’avaient pas été protecteurs, n’avaient pas reconnu l’abus.

Néanmoins, dans la cure, il y a toujours lieu d’être très prudent au poids à accorder à la réalité . Ainsi, un patient qui occupe des responsabilités importantes me parle de la manière dont il est torturé par le fait qu’il est parfois obligé, par ses supérieurs ou actionnaires, d’éliminer des travailleurs jugés trop peu rentables. Il me décrit en long et en large la perversion de ce type de démarche, la manière dont heureusement grâce « aux bons chiffres qu’il fait » il n’est pas trop souvent dans cette situation. Nous sommes en plein dans la déliaison de l’hypermodernité mais quand je l’écoute je fais des liens avec ses cauchemars et rêveries peuplées de tortures et à ce qu’il m’a relaté de son histoire familiale marquée par la Shoah dont il a toujours été question de manière intellectuelle, sans affect… Désaffectée, donc. Et le voilà, qui aujourd’hui vient me parler de ses affects.

Nous sommes en début de travail, il est évident que je me tais; il est venu trouver un psychanalyste et non un responsable syndical ou un coach.

  1. A quoi rêvent les grecs ?

Autre vignette. Un intrus apparaît au milieu d’une série de rêves amenés par un analysant : Une bombe atomique explose, des visages sont couverts de pustules. « Que les hommes aient créés la manière de détruire leur espèce, pose problème » dira-t-il comme seule association. Et la parole, qui file, d’évoquer les autres rêves, clairement liés à sa problématique. Quand plus tard, je reviendrai sur les pustules ; j’aurai pour toute réponse qu’il s’agit d’un cliché relatifs aux personnes atteintes par des radiations atomique. Je n’insiste pas, garde le rêve dans un coin de ma mémoire, tout en laissant voguer mes propres associations.

Ce rêve est-il pur intrus dans la séance ? Ou serait-il le représentant, la présence active, dans sa vie psychique, d’une actualité explosante, irradiante, blessante… ? (…)

Le rêve qui arrive ainsi dans la séance me rappelle le livre de Charlotte Beradt « Rêver sous le III° Reich »29 qui reprend plus de 300 rêves qu’elle consigne entre 1933 et 1939, avant d’immigrer en Angleterre, puis aux États Unis où elle publiera un premier article qui ne deviendra un livre qu’en 1966.

Charlotte Beradt n’est pas psychanalyste et elle prend délibérément le parti d’écarter ce qui relève des conflits de la vie privée des rêveurs. On ne discutera pas ici de ce que cette sélection peut avoir d’illusoire, pour plutôt accepter de suivre l’auteur dans son projet – plein de sens aussi : « de tels rêves ne devaient pas être perdus, dit-elle, ils pourraient être retenus le jour où l’on ferait le procès de ce régime en tant que phénomène historique car ils semblaient pleins d’enseignement sur les affects et les motifs des êtres qu’on insérait comme des petites roues dans le mécanisme totalitaire » (p.50). Un historien dira d’ailleurs de ces fictions humaines qu’elles « ne proposent pas une représentation réaliste de la réalité mais n’en jettent pas moins une lumière particulièrement vive sur la réalité d’où ils proviennent » (Postface de Reinhart Kosselleck, p. 182), il va même plus loin en évoquant une valeur de pronostic du fait que beaucoup d’histoire rêvées anticipaient la catastrophe en devenir.

Nous ne céderons pas à la tentation de réhabiliter les rêves prémonitoires pour plutôt mettre en avant la manière dont le préconscient peut s’emparer avec talent du climat ambiant. Et l’on peut suivre Charlotte Beradt qui défend avec force le fait que « ces rêves traitent bien de relations humaines perturbées, mais perturbées par l’environnement » (p.55)

« Je rêve qu’en rêve par précaution je parle russe (je ne le connais pas, en outre je ne parle pas en dormant) pour que je ne me comprenne pas moi-même et que personne ne me comprenne si je disais quelque chose à propos de l’État parce que c’est interdit et que cela doit être dénoncé. » (p 86)

On a beau savoir que la grenouille qui s’adapte à l’eau qui chauffe progressivement finira par mourir, ce qui touche dans les rêves relatés, c’est à quel point ils montrent un désir d’adaptation à une situation devenant de plus en plus folle.

Au départ, Freud théorisa le rêve comme tentative de réalisation d’un désir. La guerre 1914-18, ses névrose traumatiques, ses cauchemars à répétition l’amena à compléter sa théorie dans le sens de tentatives du rêveur de retourner infiniment à la situation traumatique pour tenter de la maîtriser. Cette compulsion de répétition s’entend par exemple ici :

« Je rêve que je m’installe solennellement à mon bureau après m’être enfin décidé à porter plainte contre la situation actuelle. Je glisse une feuille blanche, sans un mot dessus, dans une enveloppe et je suis fier d’avoir porté plainte, et en même temps j’ai vraiment honte.

Une autre fois j’appelle la préfecture de police pour porter plainte et je ne dis pas un mot. »(p.94)

Les tentatives d’adaptation à la folie du III°Reich, plutôt que d’évoquer la réalisation d’un désir, fait penser à la situation de l’enfant abusé qui s’identifie à l’agresseur et qui incorpore non seulement ses actes mais aussi sa culpabilité. Alors, le livre de Charlotte Beradt apporte un nouvel éclairage, Dans la postface, François Gantheret souligne que  : « Dans la préoccupation vitale dont ils témoignent de devoir survivre psychiquement à l’empiétement mortifère de l’environnement [… ces rêves permettent notamment] de reconsidérer la notion clé de traumatisme, et de l’élargir jusqu’à la prise en compte de formes plus insidieuses, quotidiennes et redoutablement efficaces sous le masque de la banalité (p. 236) . On est pas loin des éléments bêtas actifs au niveau social.

Seul le rêveur peut parler de son rêve, peut l’interpréter. Je garde donc le rêve de mon patient dans un petit coin de ma mémoire, d’où il sera éventuellement tiré par un autre évocation.

  1. La cure individuelle suffit-elle ?

J’en viens progressivement à la question de la psychanalyse hors champs stérile – si Freud utilise la métaphore du chirurgien30, c’est pour parler du contre-transfert et non de notre espace de travail.

Estimons-nous que la cure individuelle suffit ? Et si elle ne suffit pas quels sont les éléments qui nous permettront de rester psychanalyste, ou, disons, psychiste – je reviendrai sur ce terme – et non de devenir travailleur social, syndicaliste, militant…

Quoique… Si l’on suit Castoriadis, on ne peut penser l’autonomie du sujet sans penser l’autonomie de la société et de ses institutions.

A la question de savoir si la cure individuelle suffit, déjà Freud, au sortir de la guerre, estimait que « nous découvrons chaque jour davantage que les diverses formes de maladie traitées par nous ne peuvent être guéries par une seule et même technique31 »

De plus, il me semble qu’aujourd’hui, il y a lieu d’être prudent quand les dispositifs individuels sont privilégiés. Nous sommes dans une période où chacun est particulièrement renvoyé à lui-même, d’où l’intérêt des processus groupaux, sous utilisés à mon sens.

Mais la raison principale tient aux mécanismes de défense en jeu.

Si nous suivons Roussillon, il parle des traumatismes primaires, soit des « éprouvés traumatiques » qui n’ont pu être symbolisés et qui ont laissé des traces profondes dans le fonctionnement psychique du patient. Il s’agit, d’une part, d’expériences précoces, survenues à un âge où l’enfant n’avait pas encore l’appareil psychique nécessaire pour se représenter ce qui lui arrivait. Il s’agit, d’autre part, d’expériences survenues dans des situations extrêmes : (violence d’état, violence criminelle, cataclysme naturel, etc.)32 Ceci rejoint ce que François Gantheret vient de dire des rêves sous le III°Reich,

Ces états traumatiques primaires sont des états de détresse sans représentation, sans recours ni internes ni externes, au-delà du manque et de l’espoir (…) La seule issue possible à cette situation est paradoxale : le sujet assure sa survie psychique en se coupant de sa subjectivité (…) Ces états traumatiques primaires sont à la base de souffrances identitaires-narcissiques chez le sujet exclu. Ces souffrances ne relèvent pas d’une organisation structurale comme le sont les pathologies du narcissisme mais tiennent leur spécificité dans le processus de clivage qui est mis en œuvre pour faire face aux situations extrêmes33

Piera Aulagnier, évoque l’aliénation permettant au Moi du sujet, qui s’identifie avec le discours social, d’essayer d’éviter le conflit, le doute et de récupérer de cette façon une certitude. Roussillon utilise le même terme comme tentative d’accrochage désespéré à une identité substitutive, aussi aliénante et narcissiquement dévalorisante soit-elle, plutôt que l’anomie34 Il évoque également la neutralisation énergétique qui vise neutraliser le retour du clivé par une organisation de l’ensemble de la vie psychique destinée à restreindre au maximum les investissements d’objets qui risquent de réactiver la zone traumatique.35

Jean Furtos et ses collègues parlent de processus d’auto exclusion qui pousseraient paradoxalement l’exclu à s’exclure de lui-même et de tout lien avec l’objet pour s’empêcher de souffrir. Ce mécanisme de défense constituerait la voie finale commune aux processus d’exclusion car dans des situations extrêmes de précarité sociale, de maladie à valence excluante, dans les situation de guerre… l’être humain risque ne plus se sentir reconnu comme tel. 36 Quand la clinique bute sur un bout de Réel, Davoine et Gaudillère parlent d’inconscient retranché37.

D’autres auteurs encore proposeront d’autres manière de prendre en compte les mécanismes de défenses. Ce qui me paraît important de reconnaître ici c’est le fait que les effets de déliaison de l’hypermodernité mettent en œuvre des mécanismes de défenses bien différent du refoulement. D’où l’importance de ne pas penser l’offre de service (je me démarque de Il y a lieu d’attendre la demande) uniquement en terme de cure type ou d’entretiens individuels, mais aussi en termes de services, de structures, de politiques… qui tiennent compte de ces mécanismes de défenses, qui tentent de rétablir du lien entre les espaces intrapsychiques et les différents espaces métapsychique qui étayent le sujet.

Si l’on revient à Bion et à la situation archaïque du nourrisson; c’est la participation active de la mère à ses besoins, à son hallucination qui va lui permettre de se développer.

Mais la question du dispositif adéquat ne se pose pas que pour le patient. En situation de précarité généralisée, comme en Grèce aujourd’hui mais peut-être demain chez nous, l’analyste est lui aussi pris dans un climat social qui va modifier aussi bien la prise en compte des souffrances que les modalités du transfert, voire mettre en place des alliances inconscientes. Nous avons à lire nos collègues sud américains qui ont travaillé sous la dictature et peuvent, après coup, comparer différentes pratiques « Dans cette situation, la neutralité fidèle (…) donna lieu à une pratique clinique iatrogène » et eut également des effets délétères sur certaines institutions psychanalytiques. A l’inverse, d’autres cliniciens – expliquent-ils – s’intégrèrent dans le mouvement associatif des droits de l’homme – Les mères de la place de mai, par exemple – mais en tant que section spécifique. « Nous acquîmes la conviction qu’une élaboration psychique singulière ne pouvait se réaliser qu’à partir d’une resignification politique. Resignification qui était un point de départ pour sortir de la passivité du traumatique et aller vers l’activité du protagoniste. (…) La participation depuis ces lieux nous permit de recréer des interrogations théoriques et de concevoir de nouveaux dispositif »38

Il n’y a pas lieu de confondre le travail de l’analyste avec une technique.

  1. Quel dispositifs ?

Freud39 lui-même, dès 1918, au congrès international de psychanalyse de Budapest, appelait de ses vœux une extension des utilisations possibles de la psychanalyse à des établissements dirigés selon cette méthode et créés pour y accueillir les malades présentant des pathologies plus invalidantes que les névroses occidentales « poids moyen ».

Mais alors, quels lieux ?

Il me semble que ce n’est pas tant le type d’activité qui a de l’importance que la manière dont elle est pensée. Qu’il s’agisse d’une maison verte, d’une soupe populaire, d’un jardin partagé, d’un salon lavoir, du théâtre de rue, une brocante… Au même titre qu’une pièce de Lego, ce n’est pas le module lui-même qui fait le jeu que la manière dont nous nous en emparons.

L’objet social – peu importe lequel – pourrait alors être pensé de manière similaire à celle prise en compte tel le jouet qui nous permet d’être en lien avec un enfant ou la terre glaise, support de relation avec un psychotique.

Des auteurs comme Roussillon ou Fédida proposent de reprendre le terme d’objeu de Francis Ponge « L’objeu est l’objet du jeu, l’objet avec lequel on joue, l’objet avec lequel on joue au moment même où on joue, mais c’est aussi le jeu comme objet pour la psyché, comme objet investi par la psyché pour y engager ses enjeux. »40

Esquissons comment prendre en considération le cadre et le transfert qui forgent notre spécificité d’analyste. Je laisserai de coté des questions moins compliquées telles l’association libre.

  1. Le cadre et le transfert

Pour faire court, on pourrait dire que dans la cure classique, le cadre – avec l’abstinence de l’analyste – est un des éléments qui vient provoquer le transfert, la névrose de transfert.

Les situations qui nous préoccupent aujourd’hui relèvent d’un autre registre et nous amènent donc à penser différemment tant la question du cadre que celle du transfert

Non pas que nous nous adressions à des personnes qui ne sont pas névrosées, mais plutôt au fait que les souffrances d’origine sociale viennent atteindre les sujets dans leurs parties psychotiques, pour encore reprendre Bion qui propose l’existence d’une partie psychotique de la personnalité chez tout sujet, névrosé ou « normal ». Cette partie psychotique de la personnalité coexiste avec les parties non psychotiques ou névrotiques. Ces deux parties sont clivées et diffèrent dans leur fonctionnement» 41 Dejours parle d’inconscient amential.

Penser ainsi avec Bion nous permet également de sortir du débat Y a-t-il ou non de nouvelles structures ?

  1. Un pré-transfert

Plutôt que de transfert, il y a peut-être lieu de parler « greffe de transfert »(Gisela Pankow), de « prétransfert » (Lucien Israël) ou l’installation d’un climat d’étayage qui permettra peut-être, plus tard, de susciter un transfert « classique ».

En fait, rien n’empêche qu’un transfert s’effectue sur un intervenant mais ce qui est privilégié sera plutôt que le transfert s’opère sur un service, une équipe, un lieu. A titre d’exemple, à Télé accueil, les écoutants sont anonymes. Les difficultés du maniement d’un transfert classique, voire son inutilité ont ainsi été judicieusement laissées de côté.

Un transfert sur une institution ou un groupe amène également un autre changement majeur, celui d’une multitude de transferts et de leur mobilité entre les usagers d’une même institution.

Un des intérêts du travail en groupe (de psychodrame, par exemple) réside dans le fait qu’il règne un climat de solidarité qui offre un étayage très précieux pour des personnes qui se trouvent souvent en difficultés dans leurs relations sociales. On a trop peu théorisé l’intérêt pour chaque participant d’expérimenter sa capacité d’être aidant.

Ceci nous amène à une autre question :François Tosquelles, rappelle que « Ce qui agit dans toute psychothérapie, ce qui s’échange, dans le transfert, a quelque chose à voir avec le désir (inconscient ? ) du thérapeute42 » S’impose donc l’analyse du contre-transfert ou, pour être trivial et maintenir au plus vif la question « ourienne » par excellence : « qu’est-ce que je fous là ? ». Ce qui est aussi une manière de se dire « pourquoi je fais ce métier ? » et aussitôt « qu’est-ce qui dans mon désir me fait continuer à m’intéresser à de telles problématiques ? »43.

Resnik44 suggère la notion de « double transfert » plutôt que celui de « transfert/contre-transfert », car il s’agit bien de considérer que ces actualisations des mouvements affectifs et infantiles de chacun des partenaires de la situation thérapeutique ne sont pas opposables l’une à l’autre, mais plutôt dialectiquement liées.

  1. Un cadre malléable

En ce qui concerne le cadre, il s’agit non d’offrir un espace prédéterminé, strict quant au temps, au lieu, à l’argent mais plutôt offrir un espace suffisamment sécurisant que pour que du pare excitation soit peu à peu tressé et qu’un espace thérapeutique s’installe. A cet égard, la fonction phorique ou le concept de médium malléable peuvent nous aider.

Je sors ces concepts de leur contexte initial mais préfère réfléchir comment des concepts existants peuvent nous aider à penser ces questions, plutôt que d’en inventer d’autres.

Dans ces dispositifs, c’est la fonction phorique45 qui est privilégiée, celle qui recueille, contient et porte, étaye… suffisamment bonne mais aussi suffisamment pas trop bonne qui permet de lutter activement contre cette angoisse fondamentale du départ, qui est l’angoisse de tomber. 46»

La notion de « médium malléable » me semble féconde, à la fois en tant que concept mais aussi en tant que signifiant qui pourrait donner à penser à des équipes qui ne baignent pas dans la psychanalyse.

Le concept vient de Marion Milner47, en appui à la fois sur ses travaux de peinture et sa clinique avec des enfants psychotiques, laquelle mobilise un contre-transfert où domine le sentiment d’être traitée – elle ainsi que les éléments concrets de la salle de jeu – comme des objets manipulables et transformables à souhait. Elle comprend qu’il lui faut changer d’orientation interprétative et concevoir, au-delà d’une fonction défensive, un besoin dans le transfert d’utiliser l’analyste et son cadre de façon analogue au médium de l’artiste.

Si l’on peut considérer le médium malléable comme de la plasticine par exemple, elle va plus loin et le définit comme une possible utilisation du cadre matériel, mais aussi comme une modalité d’utilisation du thérapeute. Le médium malléable renvoie donc conjointement à la matérialité du cadre et à la dimension transférentielle. (…) Le médium malléable est le cadre et le thérapeute à la fois. 48

Se référant au Concise Oxford Dictionary, M Milner parle du « lien entre l’usage fait par l’artiste de son medium, comme une « substance intermédiaire au travers de laquelle des impressions sont transportées aux sens », et cette matière malléable qui peut prendre la forme de nos propres fantasmes, peut inclure la « matière » du son et du souffle qui devient notre parole. »49

La traductrice du texte de Milner précise avoir conservé en français le terme de Medium en raison de sa connotation plurivalente en anglais : Milieu, Moyen, Intermédiaire, Médiateur, Liant (de la peinture, Personne dite « medium » (servant de transmetteur).

Toute la force connotative de ces différents sens vient souligner ces aspects de lieu intermédiaire, de communication, de mélange, de passage, et de transformation… qu’il recouvre50

Malléable, ne veut pas dire sans consistance. Au contraire.

Roussillon – qui reprend le terme – propose un certain nombre de propriétés du médium malléable : indestructibilité, extrême sensibilité, indéfinie transformation, inconditionnelle disponibilité et vie propre.« Le médium malléable (…) est l’objet transitionnel du processus de représentation.51»

Pour Marion Milner, le médium malléable – prenons l’exemple d’un peinture – réalise la fusion entre la réalité intérieure et une partie de la réalité extérieure52. Roussillon ne ne la suit pas sur ce plan.

Ce concept me paraît particulièrement intéressant si l’on accepte de l’étendre à une activité proposée, un atelier par exemple, en considérant que tout est bon à symboliser, pour autant qu’on mette toute son attention sur le processus.

Vignette : Au sein d’une institution qui travaillait avec les familles, les animateurs avaient décidé d’organiser les mercredi après midi un moment de jeu accessible aux enfants et parents. Ce qui en soit semble une excellente idée, sauf que devant les difficultés des rencontres, ce moment s’était mués en un moment de cuisine, puis de cuisine qui permettait aux parents de repartir avec le souper familial, puis ce fut l’occasion d’organiser une Saint Nicolas, etc… Un peu comme si la désorganisation des familles avait contaminé l’espace qui leur était proposé.

Ici, le médium-malléable eut consisté à garder l’objet du jeu, la temporalité des rencontres, tout en permettant aux famille d’aller et venir, de s’absenter, de commencer un jeu puis de zapper vers un autre, de tricher, etc… Bref d’éprouver la consistance du medium qui leur était proposé.

Quand une propriété n’est pas dans la psyché du patient, qu’elle est en souffrance, elle doit impérativement être dans le dispositif et/ou dans la psyché du thérapeute. C’est bien la différence entre un dispositif thérapeutique et une activité de loisir ; la différence n’est pas dans le support de l’activité (cuisine, bricolage, …) mais dans le processus.

En fait, au delà du médium malléable, de la fonction phorique, de la fonction symbolisante de l’objet (Roussillon53), ou encore des concepts de Contenance / Conteneur on se rend compte que l’on dispose de toute une série de concepts théoriques liés à l’espace potentiel de, aux éléments alpha de Bion qui ont déjà été forgés par ceux qui depuis des années pensent la psychothérapie institutionnelle, le pare excitation nécessaire pour prendre en charge les psychotiques, le travail avec personnes ayant subi des traumatismes ou encore, à un niveau social plus large, comme j’ai tenté de le faire avec le programme de prévention Yapaka.

  1. « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique »

« Admettons maintenant que, grâce à quelque organisation nouvelle, le nombre d’analystes s’accroisse à tel point que nous parvenions à traiter des foules de gens.

On peut prévoir, d’autre part, qu’un jour la conscience sociale s’éveillera et rappellera à la collectivité que les pauvres ont les mêmes droits à un secours psychique qu’à l’aide chirurgicale qui lui est déjà assurée par la chirurgie salvatrice. La société reconnaîtra aussi que la santé publique n’est pas moins menacée par les névroses que par la tuberculose. (…)

Nous nous verrons alors obligés d’adapter notre technique à ces conditions nouvelles. (…) quelle que soit la forme de cette psychothérapie populaire et de ses éléments, les parties les plus importantes, les plus actives demeureront celles qui auront été empruntées à la stricte psychanalyse dénuée de tout parti pris. »54 Freud 1918.

Résumons-nous,

  • Vouloir isoler la réalité psychique relève de la même errance que d’espérer trouver une névrose sous un neurone. Nous avons les outils conceptuels pour penser les liens entre réalité psychique et réalité sociale.
  • Nous savons que dans de nombreuses situations la cure – je dirais même l’entretien en face à face – ne sont pas les dispositif les plus adéquats. Nous pouvons dire avec Anne Millet que si l’analyse reste la voie royale pour apprendre elle ne l’est pas nécessairement pour soigner.
  • Nous disposons aussi des outils théoriques pour concevoir d’autres dispositifs.

Et pourtant, trop souvent nous continuons de rêver d’une pureté dans laquelle le débat psychanalyse/psychothérapie ressemble à celui sur le sexe des anges.

Terminons, comme Freud qui clôture  » L’avenir d’une illusion « par la citation de Heine :

 » Le Ciel nous le laissons
aux anges et aux moineaux.  »

Travailler, hors champs stérile, sera je crois, notre défi pour les prochaines 50 années. Voilà pourquoi je suis heureux de donner la parole à des collègues qui s’y coltinent déjà.

 

1Freud S., La morale sexuelle « civilisée » et la maladie nerveuse des temps modernes (1908), in La vie sexuelle, PUF, 1992.

2Freud S., Pourquoi la guerre ? p.205 – Malaise p. 44

3https://socioeconomie.wordpress.com/2011/11/20/les-plus-riches-ont-ils-toujours-ete-aussi-riches/

4Michel Rocard, Dominique Bourg, Floran Augagneur – Le genre humain, menacé – http://mobile.lemonde.fr/idees/article/2011/04/02/le-genre-humain-menace_1502134_3232.html

7Kaës R., Malêtre – Dunod 2012, pg 53

8Le Coq Héron n°201

9Kaës R., Op cit, pg 99

10Kaës R., Op cit, pg100

11Kaës R., Op cit, pg 109

12Kaës R., Op cit, pg 110

13Kaës R., Op cit, pg 88

14Kaës R., Op cit, pg 91

15Kaës R., Op cit, pg 150

16http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/14/barak-obama-et-la-guerre-des-drones_1718596_3232.html
Voir aussi Depuis son arrivée à la Maison Blanche, l’actuel président des États-Unis a ordonné 350 missions de frappes ciblées qui ont coûté la vie à plus de 3 000 personnes dans le cadre de la guerre contre Al-Qaïda rappelle, dans un rapport de janvier 2013, le think-tank indépendant Council on Foreign Affairs (Conseil en relations internationales). Enfin, l’arsenal de drones a explosé aux États-Unis depuis 2001, passant de 50 à 7 500 en 2012.
http://www.france24.com/fr/20130207-drones-tueurs-etats-unis-brennan-nomination-cia-senat-audition-obama-al-qaida-assassinat?

21http://greekcrisisnow.blogspot.be/2012/11/lyophilisation-generale.html

22Freud S ., Inhibition, symptôme et angoisse « L’angoisse ressentie à la naissance devenait alors le prototype d’un état affectif qui devait participer aux destinées d’autres états affectifs. Il se reproduisait, soit automatiquement dans des situations qui étaient analogues à celles où il s’était manifesté pour la première fois, comme une forme réactionnelle inadaptée, inutile, après avoir été utile dans la première situation dangereuse. »

23Vandecasteele I. et Lefebvre A., De la fragilisation à la rupture du lien social : approche clinique des impacts psychiques de la précarité et du processus d’exclusion sociale, Cahiers de psychologie clinique, 2006/1 no 26, p. 137-162. DOI : 10.3917/cpc.026.0137 – 149

24Louise Irvine Op cit et Recherche d’octobre 2012 à hôpital Areteion d’Athènes http://greekcrisisnow.blogspot.com/2012/10/memorandum-iii.html

252,8 pour 100 000 habitants (eurostat, cité par french.china.org.cn 2012/06/18 )

27Dejours Ch., Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale.Le Seuil (1998). Différents articles sont disponibles en ligne, notamment sur http://1libertaire.free.fr/Dejours10.html http://1libertaire.free.fr/Dejours07.html

28De Urtubey L., Quand une inquiétante réalité envahit le travail du psychanalyste – Revue française de psychanalyse (Paris) 1982/02

29Beradt C., Rêver sous le IIIe Reich Poche – Payot 2004

32Cité par Richard H., Une psychanalyse postmoderne ? Filigrane, volume 6, numéro 2, 1997

33Vandecasteele I. et Lefebvre A. Op cit p. 150, 151

34Ibidem p 151

35Ibidem p 152

36Voir les travaux de l’Observatoire des pratiques en Santé Mentale et Précarité et notamment Jean Maisondieu, De l’exclusion pathogène au syndrome d’exclusion in Rhizome4 – Mars 2001.

37Davoine F. et Gaudillière J-M ., Histoire et trauma – Stock 2006, p 103

38Lyda L’hoste M., Le terrorisme d’État: vicissitudes de la souffrance psychique et des institutions psychanalytiques, in Filigrane, Vol 6 N°1 printemps 1997 Voir aussi Puget J. et Wende L., Aux limites de l’analysabilite tyrannie corporelle et sociale Rev. franc. Psychanal., 3/1987

39Freud S., La technique psychanalytique, PUF, Paris, 140-141, 1975.

40Roussillon R., Revue française de psychanalyse 2004/1 – Vol. 68 – pages 79 à 94 et Fédida P., L’absence – Folio

41Kaës R., Op cit, pg 27

42Tosquelles F., Education et psychothérapie institutionelles, Matrice2006, p. 10

43Delion P., La formation de psychistes aujourd’hui. Réflexion sur quelques axes prioritaires – Conférence du 25 septembre 2004 – Texte communiqué par l’auteur.

44Resnik, S., Temps des glaciations, Erès, Toulouse, 2000, cité par Delion

45Notions de P. Delion, R. Roussillon : La fonction phorique recueille, contient et porte, étaye,… la fonction sémaphorique vise à mettre en forme signifiante, en signe… tandis que la fonction métaphorique vise à la rendre symbolisable et intégrable, à la mettre en sens.

46Delion P., Séminaire sur l’autisme et la psychose infantile, 2ième ed 2006 – Eres, p.53.

47Milner M. Le rôle de l’illusion dans la formation du symbole , Rev. Franc. Psychanal., 5-6/1979

48Rey B., Modelage et psychose : de la matière brute à sa mise en forme. Sensorialité, travail de l’archaïque et symbolisation. Thèse de doctorat Université Lumière Lyon 2 – 2010

49Milner M. Op cit p. 863

50Milner M. Op cit p. 874

51Roussillon R., Un paradoxe de la représentation : le médium malléable et la pulsion d’emprise, in Paradoxes et situations limites de la psychanalyse, Paris, PUF 1991, p. 130-146. (Cité par Rey B)

52Roussillon R., Médium malléable notes 74

53La fonction symbolisante de l’objet, objet au sens de la mère, l’environnement, le cadre fruit d’un véritable travail psychique de transformation qui implique la présence d’un objet et plusieurs temps. 1-Un temps intersubjectif. Un soin ou un jeu intersubjectif. 2-Un temps auto-subjectif, un temps de jeu solitaire. 3-un temps « narcissique », celui du rêve. Ce travail de symbolisation se répartit suivant les dispositifs entre les trois pôles suivant. 1-Dans le cadre et les médiations qu’il offre. 2-Dans la psyché du patient. 3-Dans celle du clinicien. Quand une propriété n’est pas dans la psyché du patient, qu’elle est en souffrance, elle doit impérativement être dans le dispositif et/ou dans la psyché du thérapeute. (Roussillon, notes : Le processus de symbolisation et ses étapes.)

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